Cameroun: Candidats à  l'élection présidentielle : servir ou se servir ?
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Cameroun: Candidats à  l'élection présidentielle : servir ou se servir ? :: CAMEROON

Les premières élections pluralistes au Cameroun ont vu naître de nouveaux reflexes. Il s’agit pour certains candidats à l’élection présidentielle, de tirer le maximum de profits. Ici l’ensemble du processus électoral est source de rente, les élections sont une vache à lait. On peut dès lors expliquer, l’éternel maintien des mêmes à la tête de certaines formations politiques. Quelles sont leurs motivations ? Quelles sont les ramifications de cette nouvelle profession, au rythme des élections ? Curieusement ces pratiques honteuses et indignes sont acceptées par une intelligentsia de connivence dans une société de pénurie et de corruption.  L’extrême pauvreté et le clientélisme y sont probablement pour beaucoup! Mais cela ne justifie pas tout.

A la faveur de l’élection présidentielle de 2011, plus de cinquante dossiers de candidatures ont été déposés à ELECAM. Après examen, vingt trois candidats ont été définitivement autorisés à compétir. En 2018, plus de 21 étaient en lice avec au finish 9 candidatures retenues. Quoi qu’on en pense et qu’on en dise, cette inflation contribue sérieusement à une sorte de désacralisation de la fonction présidentielle.  

A l’origine

Pour mieux comprendre cette réalité, il convient de revenir sur l’histoire du printemps démocratique au Cameroun. Lorsqu’en fin 1991, le Président de la République voulant anticiper les élections législatives prévues pour 1993, se heurte au mot d’ordre de boycott lancé par les partis d’opposition  regroupés au sein d’une coordination, il promet  lors d’un discours radiotélévisé de partager 500 millions de Francs Cfa à ceux des partis qui accepteraient de présenter des candidats aux dites législatives. Connaissant la vénalité de son monde, beaucoup se bousculent pour la compétition. Le tour est joué, et le parti au pouvoir se fera accompagner par des sparrings partners. On connait la suite. 
 
Comment ne pas s’étonner de cette foultitude de candidatures qui rendent suspect la sincérité de leur démarche. Ne s’agirait-il pas d’une nouvelle race de profiteurs, de véritables professionnels d’un business politique à la camerounaise ? 

Pour ces hommes d’affaires hors pair, les élections sont une aubaine, une source de rente. Quelle lecture peut-on faire de ce phénomène certes saisonnier, mais qui date de l’élection présidentielle de 1992 ? Quelle crédibilité pouvons- nous accorder à ces candidats dont visiblement, le seul objectif reste l’enrichissement personnel. 

L’ancien Premier Ministre Simon Achidi  Achu soulignait régulièrement “politik na njangui”. De là à comprendre qu’il s’agit pour certains candidats de recourir auprès des tontines, prendre de l’argent à un taux acceptable et venir payer sa caution, et attendre la manne. On a crée à la hâte des formations politiques voici à peine quelques mois, sans aucune assise. Elles prétendent déjà compétir pour l’élection présidentielle de 2011. Quid du contenu des programmes politiques! Quid de la campagne électorale qui se limite dans la plupart des cas à l’impression de quelques affiches,  et des  professions de foi réchauffées. Il faut tout faire pour bricoler des justificatifs au financement public de l’élection.  Il n’est donc pas étonnant de relever que la grande majorité de nos candidats, ne roulent en réalité que pour eux mêmes. Les images de certains vues à la  télévision, se passent de tout commentaire.  Ces différentes postures cachent mal des équations personnelles d’enrichissement, car en l’espace d’une campagne électorale, la majorité de ces candidats gagnent assez d’argent. Ceux –ci tirent leurs revenus du commerce des investitures. L’investiture n’étant accordée qu’au plus offrant, au détriment de toute considération démocratique, programmatique ou idéologique. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’une bonne partie de nos élus  appartiennent  à une caste composée  de richissimes personnages  sans ambitions programmatiques pour la nation, et exclusivement en quête pathologique de virginité et d’immunité pour des crimes économiques, et de nouvelles cartes blanches pour en commettre davantage.

A côté des profiteurs principaux  des élections que sont les candidats déclarés, on pourrait citer entre autres,  certains  citoyens. Curieusement, pas toujours les désoeuvrés qui attendent la saison électorale comme les maraudeurs attendent la saison des mangues. Certains parmi eux, des fonctionnaires, désertent les bureaux  et n’y reviennent qu’après la proclamation des résultats. En journée, ils assistent aux meetings du RDPC, en nocturne, ils sont très actifs dans d’autres partis. L’annonce d’une élection augure de beaucoup de “gombo”. Au prix d’un travail de mercenaire, ils ont vendu leur dignité pour quelques bouteilles de bière et une poignée de Cfa. En réalité, c’est au péril de leurs vies que ces activistes électoraux gagnent leurs rapines en se livrant à des voyages multiples à travers les bureaux de vote distants parfois des centaines de kilomètres. Que l’on se souvienne qu’en 1992, lors de ces transhumances électorales, certains électeurs voyageurs ont été fauchés dans des accidents de circulation.
 
  Pour ceux qui pensaient avec beaucoup de naïveté que les élections sont un thermomètre privilégié pour prendre le pool de la gouvernance dans un pays, c’est raté !  Pourtant celle-ci, à terme, désigne toujours le bon pasteur. Lequel veillera sur ses brebis pendant un bail bien défini par la constitution. Bien organisées, les élections légitiment les acteurs politiques, mal organisées, elles ne peuvent déboucher que sur un véritable malaise, qui produit des élus et des institutions fragiles, le tout accouchant naturellement d’une gestion calamiteuse.

Sortir de cette hibernation

 Pourtant le temps de l’élection présidentielle devrait être celui de la confrontation  des programmes politiques des candidats, des échanges et des débats devant permettre aux citoyens électeurs de se faire une idée de son futur choix. Ailleurs, les débats qui précèdent les élections sont toujours accompagnés par des propositions des candidats sur la pertinence ou non du contenu des programmes, sur les réponses à apporter à la crise économique et financière internationale. Malheureusement ici chez nous, la course est ouverte plutôt à la rédaction des motions de soutien. Même les opposants qui naguère nourrissaient la dent dure contre le  régime du Renouveau, prennent des virements imprudents,  au point de provoquer des tsunamis d’étonnement au sein de l’opinion. Les médias d’Etat sortent de leur posture de neutralité dans le traitement de l’information et font le boulot pour certains. La CRTV et ses agents débordant de zèle, de bigoterie et d’imagination,  mettent un soin particulier à parfaire l’image de marque du candidat du parti au pouvoir, posant des enjoliveurs un peu partout. Les observateurs ont relevé avec intérêt le parti pris flagrant de Cameroon Tribune dans la publication de plusieurs tomes de “l’appel du peuple”. Cette tendance à rendre compte prioritairement et majoritairement des activités d’un seul candidat plombe le jeu démocratique.   

Les Camerounais de ce point de vue sont sceptiques de cette sorte d’unanimisme. Les intellectuels d’accompagnement jouent à merveille leur partition. Il faut les voir sur les plateaux de télévision défendant l’indéfendable. Certains sont experts en tout. Quel que soit le sujet choisi, ils parlent, ne reculant devant rien pour avancer. Voir ceux –ci parfois manquer d’objectivité et leur refus d’observer la moindre distance nécessaire, explique mieux leur parti pris décisif pour le tube digestif. Thierry Amougou affirme sans ambages “qu’en dehors de quelques exceptions qui confirment la règle, le Cameroun est devenu un pays où le capital humain de son élite nationale de l’intelligence est moins une source d’externalités positives pour les populations et le développement du pays, qu’un outil d’aliénation des masses populaires et  d’accumulation personnelle sur le dos de l’Etat et des dites populations”. Entre temps, les Camerounais ne comprennent toujours pas pourquoi leurs préoccupations ne sont pas prises en compte. Aujourd’hui, nous vivons un chômage massif des jeunes, la corruption a gangrené tous les secteurs de la vie sociale et économique. Réussir à un concours de nos jours relève d’un rêve impossible pour le fils d’un citoyen ordinaire. On a parfois l’impression que certaines grandes écoles sont réservées. Combien de morts faut-il compter sur nos axes afin que ce problème d’infrastructures routières soit résolu. Voilà quelques problèmes dont les Camerounais aimeraient voir chacun des candidats apporter des solutions. On a besoin de savoir, comment ils vont assurer une gestion efficiente des ressources nationales et contribuer à la mise en place des politiques propices à la croissance. Nous attendons des candidats qu’ils s’engagent à briser l’impunité et freiner la frénésie prédatrice des corrupteurs et récidivistes invétérés. 
 
La question essentielle n’est pas d’améliorer la participation des jeunes et des femmes à quoi que ce soit, mais de garantir à chacun la possibilité d’être là où il mérite. Nous voulons dire aux candidats à l’élection présidentielle que les Camerounais ont ras le bol de cette situation.  Prévoir recruter 25.000 jeunes dans la fonction publique, reste une démarche louable, mais on aurait souhaité qu’au lieu d’alourdir encore et toujours les dépenses publiques, qu’une politique globale et d’incitation soit mise en place. Le rôle de l’Etat n’est pas d’offrir du travail à tous, mais plutôt de favoriser et de créer un cadre incitatif.  Il est quand même assez surprenant que le club des plus grandes fortunes de la République compte en son sein des fonctionnaires,  et qu’en même temps, l’on annonce à grand renfort de publicité l’intensification de l’opération d’assainissement des moeurs. Il est important de décrier dans les discours, les comportements associaux, mais poser des actes pour les éradiquer est une nécessité absolue. Le dernier congrès ordinaire du RDPC a donné une fois de plus l’occasion à son premier responsable, d’affirmer sa détermination à lutter de toutes ses forces contre ce mal qui gangrène notre société. Espérons cette fois que l’on ira jusqu’au bout. 

Attendons de véritables programmes politiques intégrant la souffrance des Camerounais

Pourquoi est-il si difficile de trouver dans les programmes des différents  candidats à  l’élection présidentielle d’octobre des indices de développement, aucune  donnée factuelle. Nous sommes heureux d’apprendre que “les grandes ambitions d’hier vont devenir les grandes réalisations” et qu’”à partir de Janvier 2012 le Cameroun sera transformé en un immense chantier”. Mais qu’a-t-on fait entre temps des promesses de 2004 ? Un bilan des réalisations effectuées  pendant le mandat qui s’achève parlerait mieux que mille discours. De manière plus concrète, la réalité du passage du discours aux actes doit être de mise. Les hommes politiques tiennent des discours que les électeurs veulent entendre. Mais seulement, les Camerounais ont cessé de rêver.  “ J’annoncerai bientôt un plan concret pour la création  de plusieurs milliers d’emplois ”. Cette réplique reste encore pour beaucoup une fuite en avant. A voir le taux de chômage et le degré de frustration, beaucoup  se demandent  s’ils sont encore Camerounais. 

La démocratie véritable implique la circulation de l’élite. Or nous assistons de plus en plus au Cameroun à la confiscation du pouvoir. A bientôt deux décennies de multipartisme, presque tous les partis politiques ont encore à leur tête leur président fondateur. Il s’agit en effet de l’UDC, l’UNDP, l’ANDP, l’UFDC, le MDR, le MP, non sans oublier le RDPC.  

Les expériences tirées des élections déjà vécues au Cameroun attestent que les partis d’opposition n’échappent pas à la réalité de la quête malhonnête du pouvoir. Quelques constances les caractérisent lors des périodes électorales; hyper dynamisme précédant et suivant une léthargie prononcée, volonté aveugle du leadership lors des alliances  soudaines et peu réfléchies qui ne font pas généralement long feu. Toute chose qui traduit une insuffisance de la culture démocratique. 

L’élection présidentielle sous d’autres cieux, c’est la rencontre d’un candidat avec le peuple. En démocratie, par le canal du bulletin de vote, l’électeur confie la gestion du bien national à un candidat capable d’assumer une telle charge.
 
Comme le secteur des assurances, les élections au Cameroun ont aussi leurs courtiers dont la professionnalisation est de plus en plus montante. Par ce jeu d’intérêt égoïste, les candidats de façade banalisent les élections et mettent la démocratie en danger.  Pour les Evêques, Chacun doit travailler “ à promouvoir la candidature d’hommes compétents et honnêtes” F. FANON avertissait déjà que chaque génération doit trahir ou remplir sa mission.

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