Morgues camerounaises : l'horreur à  ciel ouvert
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Morgues camerounaises : l'horreur à  ciel ouvert :: CAMEROON

Plus de cinquante ans après les indépendances et malgré des progrès considérables dans le domaine de la science, les Camerounais n’arrivent toujours pas à gérer décemment la mort. Celle-ci les surprend toujours.

Ceux mêmes qui passent pour des professionnels des activités funèbres ne sont que des opportunistes qui ont vite trouvé un gagne pain sûr sur la douleur de ceux qui ont perdu un être cher. Non formés ou mal formés, ils n’ont aucun respect pour les corps qu’ils manipulent avec beaucoup de légèreté et d’indélicatesse.  

C’est vrai que chez nous, tout le monde croit tout faire. Pour devenir ’’ morguier ’’, il suffit d’être un dégénéré, un psychopathe ou un drogué. En dehors de quelques structures hospitalières de référence  de nos métropoles, la plupart des hôpitaux n’ont pas hésité à recruter des individus à la moralité douteuse pour leur confier la noble et très délicate charge de ’’morguiers’’.  

Ce qui vient de se passer à l’hôpital Laquintinie  est  inédit et sûrement pas un fait isolé. C’est une vieille et mauvaise habitude que ces gardiens de cadavres ont prise de manipuler à leur guise les dépouilles. Nos enquêtes nous ont révélé que les vrais ’’ morguiers’’ sont rares. D’abord, le mot morguier n’est qu’un néologisme. Il n’existe dans aucun dictionnaire français. Il ne veut donc rien dire.  C’est certainement pour cela que le personnel hospitalier exerçant dans nos morgues se croit tout permis, puisque ses attributions et compétences ne sont définies nulle part. 

En dehors de nos hôpitaux généraux, des hôpitaux des garnisons militaires, de l’hôpital de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, de l’hôpital Central  Yaoundé, toutes les autres structures emploient des quasi analphabètes.  Les soins prodigués au  corps de l’homme,  à partir du sein maternel jusqu’à sa mort relèvent de la médecine. Ce qui s’est passé  à l’hôpital Laquintinie, ce qui s’y passe encore est une intolérable abomination.  Que des profanes se permettent de faire des autopsies ne saurait rester impuni. Qu’il y ait prélèvement et trafic d’organes est une exécrable horreur. L’hôpital Laquintinie n’est pas le seul hôpital indexé.  

Les profanations des corps dans nos morgues sont  récurrentes, et contrairement à ce qu’on pense, elles ne commencent pas aujourd’hui. A Douala, tout le monde sait que vous pouvez avoir n’importe quel organe du corps de l’homme à moindre prix. 

Pour des raisons diverses, des parents et les marabouts  sollicitent le service du personnel des morgues pour avoir quelques organes des morts. A voir le train de vie  de nos « morguiers », on peut  affirmer  sans risque de se tromper qu’ils roulent vraiment  carrosse. Les adeptes de la magie noire, leurs principaux clients les  engraissent  régulièrement. Tout  est  à vendre dans nos morgues,  des cheveux aux ongles, on peut  tout avoir, il suffit de mettre la main dans la poche. 

Des parties du corps sont aussi prélevées pour, croit-on, châtier les criminels. Elles permettent à tort ou à raison de venger le défunt, pratique qui relève d’une mentalité magico-religieuse persistante et résistante, même chez les chrétiens qui croient que la mort est rarement naturelle. Dans notre société, on ne meurt pas, on est tué. D’autres prélèvements sont faits pour des rites d’exorcismes consistant à  éloigner de la famille du défunt ce qui est communément appelé la mauvaise mort, la mort violente avec écoulement de sang ou celle des jeunes.

A. Sanon avait dit qu’ « On juge une société à la façon dont elle enterre ses morts ». On nous juge donc à la façon dont nous traitons nos morts. Nous les traitons mal dans nos morgues. Dans la plupart cas, les corps sont juxtaposés, nus, à même le sol ou sur des brancards de fortune. On le comprend. On a pensé à nous arrimer à la modernité au bénéfice des vivants. La mort continue à être gérée comme à la préhistoire de la civilisation de l’homme dans nos hôpitaux où les corps sont confiés aux despotes et personnes de petites vertus. Coupés du monde des vivants, parce qu’habitués à la présence incommode des cadavres, ces personnes n’hésitent pas à pouffer de rire devant ceux qui sont abattus par la mort d’un proche parent ou d’un ami. Tout leur est permis, même fumer du chanvre en public. N’ayant rien appris du traitement, de la conservation et du toilettage des corps, nos morguiers agissent en véritables sauvages qui ignorent les règles minimales d’hygiène et de salubrité. Nos morgues sont dangereuses pour les vivants. Le matériel utilisé sur les corps se retrouve très facilement dans les marchés. 

L’eau des chambres froides ou de toilettage des corps n’est pas canalisée dans des fosses septiques ou des puisards. Elle inonde tout simplement les entrées et les salles d’attente. Celles de la morgue du Centre Universitaire de Yaoundé sont carrément drainées dans une zone rattrapée par des habitations spontanées. Lors des levées des corps, il arrive qu’on patauge dans des eaux souillées de sang ou d’écoulements de liquides provenant des corps. 

Impossible de ne pas y aller soi-même, les confusions de corps dans nos morgues sont fréquentes. Il est important de savoir quel regard le christianisme porte sur les dépouilles mortelles. On ne fait pas du corps, même mort ce qu’on veut. Rappelons-donc l’enseignement de l’Eglise sur les corps morts.

 Dans la tradition chrétienne,  le soin de la sépulture a été renforcé par l’espérance de la résurrection corporelle, qui est au coeur de son credo. Catholicisme et protestantisme se sont souvent opposés sur la forme des rituels de sépulture. Mais les deux confessions sont restées unies dans la reconnaissance de la dignité de la dépouille mortelle et la conviction qu’elle participe à l’espérance de la résurrection. Au travers de la dépouille mortelle, et des soins dont on l’entoure, c’est la personne humaine que l’on respecte. Symboliquement, elle en porte la dignité. Dans l’« état intermédiaire » (C’est ainsi que l’on désigne l’avant-dernière étape du parcours de l’homme, entre sa mort et sa résurrection corporelle), la théologie chrétienne ne considère pas qu’il y ait séparation totale entre le corps et la personne.
L’état intermédiaire est sans doute le lieu, en théologie, où le lien entre le corps et la personne est le plus distendu, le plus relatif, où le voile de mystère qui le recouvre est le plus épais. Mais, jusque dans l’épaisseur de ce mystère, un lien est maintenu entre la personne et le corps, de telle sorte que le corps du défunt, du point de vue de la foi, demeure toujours le corps de quelqu’un. 

Toutes les confessions chrétiennes n’ont pas poussé la doctrine de l’incarnation très loin dans ses implications, mais toutes se sont accordées, fondamentalement, pour refuser la réduction du corps au rang d’un matériau, d’une enveloppe, ou d’un objet impersonnel auquel on pourrait porter atteinte sans manquer de respect à la personne dont il est, ou fut l’incarnation, et posé comme important que le corps soit accueilli et respecté, dans la foi, pour ce qu’il signifie encore.

Comme le dit un auteur protestant, F. Fensch,  « Même mort, le corps conserve une histoire et constitue le trait d’union entre la vie sur terre et la vie éternelle. Pour la Bible, une fois commencée, la vie continue éternellement, il n’y a pas de rupture entre la vie terrestre et la vie céleste ».  Ce n’est pas en premier lieu aux défunts que la négligence des corps ou leur manipulation pourrait « porter malheur », mais aux survivants, au travers de ce que cette négligence représente symboliquement et cliniquement pour eux. 

Nous désapprouvons donc fortement ces mentalité cyniques qui négligent les corps des défunts qui, avec la plus grande outrecuidance et un souverain mépris, les manipulent et les charcutent sans un seul propos bienfaisant, ni aucun égard pour ceux qui leur survivent. De sa naissance à son inhumation, le corps de l’homme, dans toutes les sociétés modernes, est confié aux services spécialisés de la médecine.  Quelle indécence d’en faire un produit lucratif!

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